21 Février 2017
Chichicastenango, ici on dit Chichi (prononcer tchitchi), c’est un grand bourg sur l’Altiplano situé à près de 2000 m d’altitude.
Bâtie sur une ancienne cité Maya, la cité a été et reste la capitale du peuple Maya Quichés qui est l’ethnie la plus importante du Guatemala.
Pour nous y rendre nous avons pris un « collectivo » soit une fourgonnette à 10 places dans laquelle nous étions… 15.

Nous avons l’intention d’y passer deux nuits tant il y a de choses à découvrir.
Nous sommes arrivés le dimanche en fin de matinée et ce n’est pas un hasard car c’est  ici que se tient deux fois par semaine (le dimanche et le jeudi) un marché qualifié de plus grand et de plus beau marché indien d’Amérique Centrale.
Il tient  cette réputation par sa taille (on a difficulté à circuler à pied dans les rues étroites), par les produits proposés, il concentre la plus grande diversité d’objets et de tissus réalisés par des ethnies différentes, mais surtout par les costumes des indien(ne)s aux couleurs extraordinaires qui viennent de toute la région.
On voit essentiellement des femmes qui sont toutes petites et très attachantes avec la grande écharpe dans le dos qui leur sert de sac à dos et dans laquelle on voit souvent dépasser un bébé (voir photos).

Dans le dédale des rues, nous avons fait une rencontre décalée, il s’agissait d’une équipe de télévision française qui préparait un reportage sur ce marché pour l’émission Echappées belles animée par Jérôme Pitorin (voir photo). L’émission devrait passer début avril sur la Cinq, on vous conseille le reportage sur le marché de Chichi.

On y trouve les marchandises les plus insolites, en particulier des sachets de petits cailloux. I
Il s’agit de calcaire servant à faire l’eau de chaux permettant de cuire les grains de maïs, afin de les débarrasser de leur coque externe avant de les broyer pour produire la farine de maïs. Ce processus est ici appelé la nixtamalisation (voir photo et le processus sur internet https://fr.wikipedia.org/wiki/Nixtamalisation ).


La ville possède également deux autres caractéristiques, la première est son cimetière.
Là encore ce sont les couleurs qui dominent. Au-delà des couleurs  et de l’architecture typique des sépultures, ce sont les rites funéraires hérités des mayas qui sont impressionnants. Beaucoup d’incantations et de dialogues avec les morts dans des langues incompréhensibles, des autels de pierre où se consume le copal dans une atmosphère enfumée et mystérieuse avec des prêtres, les Chuchkajaus qui officient devant ces autels de pierre.


La seconde caractéristique c’est l’église principale du bourg, l’église Santo Tomàs. Avant de vous décrire les particularités de l’église, un peu d’histoire.
Dans diverses églises du Guatemala visitées, nous avons remarqué des plaques commémoratives évoquant les martyrs des indiens tués lors de la guerre civile. On perçoit fortement le traumatisme que cela constitue encore, 200 000 morts, 180 villages massacrés de type « Oradour sur Glane », 1,5 millions d’indiens chassés de leur terre…
A l’origine de cette guerre, après le conflit de la seconde guerre mondiale, le Guatemala s’est choisi démocratiquement un nouveau président qui s’est attaqué aux inégalités sociales et économiques. En particulier il a taxé l’exportation de bananes qui constituait la première économie de l’époque. Il se trouve que l’importateur quasi exclusif était la compagnie américaine United fruit.
Le principal actionnaire de cette compagnie était un certain Allen Dulles qui se trouvait également directeur de la CIA. Mélangeant sa responsabilité dans l’administration américaine et ses intérêts personnels, il organisa via la CIA un coup d’état militaire au Guatemala qui dégénéra en une guerre civile terrible de 1960 à 1996.
Aujourd’hui, si la paix est revenue, les populations indiennes (qui représentent la majorité des habitants) sont toujours victimes de discrimination et leur situation sociale et alimentaire reste critique.
Une femme s’est mobilisé pour la réconciliation nationale et la défense des populations indiennes, il s’agit de Rigoberta Menchu qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 1992 (voir le lien suivant https://fr.wikipedia.org/wiki/Rigoberta_Mench%C3%BA ).


Vous remarquerez dans les photos une plaque posée à l’église de Chichi ainsi que des peintures faites par des enfants évoquant la guerre civile.

Mais revenons à l’église Santo Tomàs et à son particularisme. Elle a été bâtie en 1540 sur l’emplacement d’un temple Maya. Elle est le lieu parfait du syncrétisme entre la religion maya et la religion catholique.
L’église catholique a su faire bon ménage avec les réminiscences de la culture maya, le danger vient aujourd’hui des églises évangéliques (merci encore les Etats Unis) qui ne tolèrent ni l’idolâtrie ni le paganisme.

Les escaliers (une marche par mois du calendrier maya) sont toujours ceux de l’ancien temple et se couvrent chaque jour de marché de femmes vendant des fleurs (voir photos).
L‘église est une formidable dévotion aux cultes païens. Sur ces escaliers, des prêtres à l’allure étrange balancent des boites de conserves où se consume le copal (voir photo).
L’intérieur de l’église est enfumé par la combustion du copal et de longues rangées de bougies et on remarque au sol sept autels de bois le long de la nef.
Le premier est consacré au maïs, le second aux haricots, le troisième aux autres fruits et légumes, le quatrième aux victimes du tremblement de terre de 1976, le cinquième aux femmes enceintes, le sixième aux animaux et le dernier… aux ivrognes.

Pour notre part nous avons pu assister à des cérémonies de baptêmes (voir photos) et à la messe du dimanche soir… étonnant de ferveur.

La suite au prochain numéro…